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Dans un monde de plus en plus capitaliste, les entreprises sont principalement responsables de la création des richesses et à ce titre sont perçues comme les acteurs majeurs de croissance et de développement des pays. C’est au point que pour développer l’Afrique, dont la production des richesses n’est pas [encore] en adéquation avec ses potentialités naturelles et sa forte démographie constituée en grande partie des jeunes, plusieurs personnes pensent qu’il y a la nécessité voire l’urgence de développer une véritable culture entrepreneuriale en Afrique. On assiste donc à la naissance de plusieurs courants idéologiques/philosophiques autour de la question de la culture entrepreneuriale. Ce qui explique peut-être la prolifération des « coachs », « motivateurs », « conférenciers », « écrivains », « leaders » et autres sur la toile essayant chacun à sa manière, d’expliquer à leurs communautés (followers) les meilleures recettes pour réussir dans l’entreprenariat. Certains de ces gourous parlent de leurs propres expériences en tant qu’entrepreneurs. D’autres, sans la moindre expérience pratique dans le domaine, se contentent juste de relayer, expliquer en leurs propres termes voire clarifier ce qu’ils ont lu dans quelques livres sur le développement personnel et des thématiques similaires ou ce qu’ils ont appris après des très longues formations académiques (les thésards et/ou théoriciens), séminaires, conférences, vidéos sur YouTube, Facebook … La plupart de ces enseignements, à mon avis, se penchent plus sur l’entrepreneur et pas vraiment sur l’environnement dans lequel baigne l’entrepreneur et en particulier son entourage. C’est ainsi qu’il m’a semblé opportun d’essayer, dans cet article, d’analyser la question de la culture entrepreneuriale en regardant autrement : en se focalisant plutôt sur l’entourage de l’entrepreneur et en particulier l’entrepreneur africain évoluant en Afrique. A l’issue de cette analyse nous allons formuler quelques recommandations en espérant que ces dernières pourront contribuer à renforcer la culture entrepreneuriale (vue autrement) en Afrique.

J’ai choisi de parler des entrepreneurs africains étant moi-même l’un d’eux et évoluant en RD Congo dans le secteur du bâtiment et travaux publics. Ce que je vais présenter dans les prochaines lignes me semble être plus des réalités africaines. Sur les autres continents, en Europe par exemple, je ne pense pas que les entrepreneurs soient confrontés à ces réalités ou du moins au même degré qu’en Afrique. J’espère que les entrepreneurs des autres continents qui me liront pourront partager avec nous leurs réalités.

En Afrique, lorsque vous décidez par exemple de vous lancer dans la vente des beignets, vos connaissances et surtout les membres de votre famille sont généralement les premiers à penser que c’est l’occasion pour eux de manger désormais gratuitement des beignets ou du moins de bénéficier des remises conséquentes au nom des affinités qui vous lient. Toujours au nom de l’affinité, vos proches et membres de famille pensent qu’ils ont non seulement le droit de prendre à crédit des biens ou services mais aussi qu’ils ne sont pas tenus de payer aux échéances convenues : les dettes familiales sont les moins contraignantes et il est socialement mal perçu, en Afrique, de réclamer une dette à son frère ou sa sœur. Certains préfèreront acheter des beignets ailleurs et se tourneront vers vous uniquement lorsqu’ils n’ont pas d’argent pour les prendre à crédit. Ce comportement sociologique africain est une difficulté majeure à laquelle font face plusieurs entrepreneurs à leurs débuts. Et lorsque malgré cela il/elle réussit quand même à émerger, dans la sociologie africaine, à cause de sa réussite [matérielle/financière] il/elle devient donc redevable à toute la famille, la tribu, le clan, la province qui l’a vu grandir et qui lui aurait permis de prospérer. Il/Elle doit donc désormais prendre sur lui/elle tous les problèmes de sa communauté. Il/Elle est perçu(e) comme la vache à lait de la communauté. Paul KAMMOGNE FOKAM explique mieux cette réalité dans son livre « L’Entrepreneur africain face au défi d’exister. » La promotion de l’entreprenariat en Afrique ne doit donc pas se limiter à encourager les jeunes à se lancer systématiquement dans le business puisque la vérité est que tout le monde n’est malheureusement pas fait pour être entrepreneur. Il faut l’admettre ! Certains n’ont simplement pas les atouts et ne l’auront peut-être jamais contrairement à ce que disent certains « motivateurs » sur la toile. La motivation, la détermination, le travail acharné ne suffisent pas sachant que nous n’avons pas tous la même appétence au risque. Entreprendre signifie littéralement risquer et tout le monde n’est pas fait pour prendre ce risque. D’ailleurs si tout le monde crée une entreprise qui y travaillera alors ? La promotion de la culture d’entreprenariat doit aussi sensibiliser/éduquer l’entourage (les personnes qui ne pourront pas entreprendre) à encourager les entrepreneurs ou du moins à ne pas leur mettre des bâtons dans les roues par des comportement sociologiques négatifs. Ainsi, si dans votre entourage, votre famille, une personne essaye d’entreprendre voici 5 petites choses que vous pouvez faire pour l’aider.

1.     Ne prenez pas de crédit : la trésorerie et le besoin en fonds de roulement sont très importants pour une jeune entreprise. La crise sanitaire due à la COVID19 a montré à suffisance combien les entreprises à « faible » trésorerie se sont retrouvées en difficultés et ont dû déposer le bilan. Ne prenez pas des biens/services à crédit. Je connais beaucoup des gens qui ont essayé de vendre des habits en donnant à crédit. Les clients n’ayant pas honoré leurs dettes, les vendeurs n’avaient plus de capital pour passer des nouvelles commandes et ont fait faillite.

2.     Acheter ses biens ou services : La meilleure façon d’aider un proche qui entreprend et d’acheter ses biens et services. Vous lui donnez non seulement un chiffre d’affaire mais aussi des références qui lui permettront de gagner ou convaincre d’autres clients. Vous lui donnez aussi des raisons de croire en son business et vous renforcez sa confiance en lui. Soyez cette personne qui préfère changer de quartier pour aller acheter les beignets ou services d’un proche qui en propose. Il sied de noter ici que certaines rares ethnies en Afrique ont ce sens d’acheter exclusivement au sein de la communauté si un membre vend ces biens ou services. Il en résulte que les entrepreneurs de ces ethnies émergent plus facilement que les autres.

3.     Financer l’activité : Il y a plusieurs façons de financer un entrepreneur. Vous pouvez lui octroyer un crédit sans intérêt ou avec des intérêts et conditions plus compétitifs que les banques sachant la difficulté d’accès aux financements qu’ont les jeunes entreprises en Afrique. Vous pouvez aussi payer en avance vos commandes pour alléger sa trésorerie. Il y a aussi les tontines ou le crowdfunding qui peuvent être pratiqués dans nos communautés pour aider les entrepreneurs. Je rêve de ce jour où dans une église on organisera une collecte des fonds pour soutenir le projet d’un frère ou d’une sœur.

4.     Respecter son travail : respecter le travail de l’autre peut consister à ne pas chercher à toujours discuter les prix et essayer d’obtenir des rabais même là où il ne faut pas. Dans les super marchés vous ne discutez pas les prix affichés, faites de même dans les business de vos proches. Respecter le travail de l’autre consiste aussi à respecter vos engagements contractuels : l’amitié ou la famille ne sont pas des prétextes pour ne pas respecter ses engagements. Respecter ce que les autres font. Je connais un gars qui a une entreprise dans le secteur de l’évènementiel. Il emploi à temps plein 7 personnes mais sa propre mère n’arrête pas de lui dire « mon fils, tu as étudié, trouves toi un travail stable comme à la fonction publique plutôt que d’aller t’amuser dans des fêtes. » Sa mère considère qu’organiser des événements est ni plus ni moins qu’une façon d’aller « s’amuser dans des fêtes. »

5.     Parler de son business à votre entourage : c’est la chose la plus facile à faire et c’est gratuit. Parler de son activité à vos contacts sur les réseaux sociaux, liker sa page, partager et diffuser ses messages. C’est vraiment la moindre des choses que vous pouvez faire pour l’aider. Si vous ne pouvez pas acheter ses biens/services, recommandez-les au moins à votre entourage. Qui sait si un de vos contacts sera intéressé ! 

One thought on “Culture entrepreneuriale en Afrique : un autre regard.”
  1. D’accord avec vous Mr Alain sur toute la ligne. Nous avons commis plusieurs fois l’erreur de ne pas prendre en compte la particularité de notre environnement… Très bons conseils pour les proches qui veulent soutenir un entrepreneur (je me suis retrouvé moi même !)

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